« La résonance des rythmes »

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Journée d'études
9 10 June 2022
Salle Ourisson - Institut Le Bel

Journées organisées par Stefan KRISTENSEN, avec le soutien du CREAA et d'Utopiana, dans le cadre du groupe de travail « La résonance des rythmes ».

 Un nombre grandissant d’artistes depuis le début de ce siècle développent des stratégies créatives impliquant la collaboration avec des partenaires non humains : fonge, végétaux, bactéries, insectes, etc. Ces stratégies peuvent comprendre la présence d’organismes vivants dans les œuvres, des tentatives d’hybridation et des essais de symbiose entre humain et non humain, ou encore des essais de communication avec des acteurs non humains, notamment par la musique. A mesure que la prise de conscience écologique se répand dans le monde de l’art, de telles démarches se multiplient et le premier objectif des deux journées d’étude est d’en cerner les enjeux sur le plan esthétique, éthique et politique. Les organismes qui sont appelés à figurer dans ce type d’œuvres ne peuvent pas être considérés comme des matériaux à l’instar des pigments de couleur dans la peinture ou du bronze de la sculpture ; ils en sont pourtant des éléments constitutifs, comme dans Reversion C d’Andreas Greiner où un tableau de P. Mondrian (Composition C) est recréé avec des microorganismes des couleurs correspondantes sous verre. Mais l’œuvre est alors formée par leur évolution à travers le temps et la transformation qu’ils impriment collectivement à sa forme visible.

Ainsi, au lieu d’être une manière d’immobiliser, voire d’immortaliser, un événement, l’œuvre devient une forme qui se transforme au gré de l’évolution des vivants qui la constituent. Elle s’inscrit dans l’espace et le temps de manière intrinsèque – rien en elle n’est dissociable du temps. Une œuvre impliquant structurellement des non partenaires non humains possède une existence indissociable d’un certain rythme vital, et constitue par conséquent à chaque fois une occasion de vivre une forme spatiotemporelle singulière, qui ne se répète pas. Le concept de rythme, tel que le philosophe français Henri Maldiney l’a proposé, à savoir le mouvement à chaque fois singulier par lequel une œuvre se déploie dans l’acte perceptif, s’applique particulièrement à ces œuvres dont la dimension temporelle est celle de l’action d’un vivant. En développant de telles œuvres, les artistes créent aussi en même temps des dispositifs de formation de la sensibilité du spectateur. En effet, l’expérience de telles œuvres est aussi l’expérience d’une temporalité différente de celle des humains, d’une altérité qui ouvre à des sensibilités inattendues. Plus précisément, l’enjeu est de saisir le potentiel de transformation de la sensibilité du spectateur de ces œuvres par l’expérience de l’entrelacement des rythmes vitaux. En effet, en mettant en scène
visuellement la diversité des rythmes, les artistes donnent lieu à une expérience de relativisation des rythmes humains et parfois d’hybridation possible avec des non-humains. Ainsi, la question émerge de savoir quelle est l’incidence de telles expériences sur la conscience de soi des spectateurs et sur leur sensibilité à l’égard des autres vivants.

 Les stratégies de collaboration avec d’autres vivants que les humains posent la question de la correspondance ou de la dissonance des rythmes humains et des rythmes des autres vivants. L’œuvre est le lieu de cette rencontre des rythmes, et sa structure et son efficacité sont liés à la forme de cette rencontre, son accordage. Cette perspective donne la clé pour analyser les œuvres et saisir leur structure et leur déploiement propre dans une durée par nature imprévisible.

 Les deux journées d’études proposent un dialogue soutenu entre des artistes et des théoriciens qui développent une création et une réflexion sur ces questions, entre arts visuel, histoire de l’art et
philosophie du vivant.


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