Le point sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Francis Messner, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise et société, a été auditionné par les sénateurs rapporteurs du projet de loi confortant le respect des principes de la République en raison de son expertise en droit des religions et sa connaissance de l’organisation de l’Islam en France. Voté en première lecture par l’Assemblée nationale, le projet de loi doit être discuté par le Sénat en avril. Explications.

Pourquoi ce projet de loi ?

Des formes de repli qualifiés de séparatisme par les pouvoirs publics en France s’imposent un peu partout en Europe. Ce terme de séparatisme a d’ailleurs été retenu dans un premier temps pour intituler la loi. Cette dernière tend à répondre à un certain nombre de questions qui font aujourd’hui débat dans la société et cela notamment par rapport aux dérives religieuses radicales et plus largement aux réticences de certains groupements à respecter les valeurs communes découlant des principes constitutionnels. Même si la loi était attendue, les critiques sont nombreuses et portent surtout sur le caractère hétérogène du texte et sur les limitations de certaines libertés publiques. Mais si la loi ne correspond pas à toutes les demandes elle a le mérite d’exister, de faire obstacle à certaines dérives et de faciliter la voie vers une organisation structurée du culte musulman.

Quelles sont ces dispositions ?

Des dispositions de nature différente figurent dans la loi comme l’extension de la neutralité de l’Etat aux entreprises privées ayant des missions de service public, l’engagement républicain des agents publics, internet et la protection de la vie privée, l’interdiction des certificats de virginité, l’enseignement privé et à domicile… La partie centrale du texte est consacrée à l’organisation des cultes avec une réforme du statut des associations cultuelles qui est fixé par la loi du 9 décembre 1905. La qualité d’association cultuelle sera vérifiée par le représentant de l’Etat dès sa déclaration puis tous les cinq ans. Les associations cultuelles de la loi de 1905 bénéficiant de la grande capacité et d’exonérations fiscales ou les associations 1901 sans grande capacité ayant des activités cultuelles devront assurer la certification de leurs comptes et déclarer les subventions versées par des organismes étrangers publics ou privés. Un mécanisme anti putsch sera également instauré pour éviter que des personnes puissent s’inscrire dans une association pour en éjecter le dirigeant et mettre en place une approche radicalisante de l’islam par exemple.

Qu’est-ce qui va changer pour le culte musulman, quelles différences y avait-il auparavant avec les autres cultes ?

Les associations diocésaines catholiques, et les cultuelles protestantes et juives constituent des unions d’associations au niveau national. Ce qui permet une bonne structuration de ces cultes avec une autorité légitime à la tête de l’union. Pour les communautés musulmanes, cette forme de structuration fait défaut. Le culte musulman est statutairement organisé par le biais d’un accord de 2001 qui fait obligation au Conseil français du culte musulman et aux conseils régionaux du culte musulman de s’organiser dans le cadre des associations de 1901 alors que certaines associations de mosquées sont représentées par des associations 1905. Or il ne peut y avoir d’union d’associations 1905 et 1901. Un tel éclatement n’est guère favorable à la fixation d’un statut des imams et favorise l’émergence d’imams autoproclamés pour ne retenir que cet exemple.

Quid de l’Alsace-Moselle qui bénéficient d’un statut particulier ?

Ces trois départements sont placés sous le régime du droit local, les lois de 1905 et 1901 n’y ont pas été introduites. La loi de Germinal an X fixe le financement des culte statutaires catholique, juif et protestant. Toutes les autres religions sont considérées comme des cultes non statutaires et sont organisées dans le cadre d’associations inscrites à objet cultuel qui peuvent être financées de manière facultative par les collectivités territoriales. Le débat autour de la mosquée Eyub Sultan à Strasbourg en constitue une illustration. Le projet de loi une fois voté s’appliquera en Alsace-Moselle. Mais les cultes statutaires représentés par des établissements publics ne seront pas impactés par les dispositions relatives aux modifications prévues pour les associations cultuelles de 1905. Par contre la plupart des dispositions relatives aux associations cultuelles loi 1905 s’appliqueront par le biais d’un nouveau droit local, aux associations inscrites à but cultuel de droit local.

Propos recueillis par Marion Riegert

 

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