Etudes démographiques, économiques, psychologiques ou encore sociologiques du confinement… durant la crise sanitaire, les chercheurs en sciences humaines et sociales ont publié différents articles en lien avec l’actualité. Certains ont adopté une posture d’expert pour éclairer la crise en répondant aux questions de journalistes ou du grand public. Se pose alors la question de la diffusion des résultats et du positionnement du chercheur par rapport aux acteurs publics, aux politiques et aux médias.
Pas de solution générale
« Avec la crise, les acteurs publics ont souhaité avoir des réponses pour les guider dans leurs décisions. Ils se sont alors tournés vers les scientifiques », explique Fleur Laronze, chercheuse au sein de l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise et société et directrice adjointe de la Maison interuniversitaire des sciences de l'homme - Alsace (MISHA). Problème, des réponses urgentes étaient attendues, une temporalité qui ne correspond pas à celle du chercheur. « Il faut accepter le temps de la recherche, un temps long qui comprend des incertitudes. C’est aussi la raison pour laquelle le grand public ne perçoit pas toujours la nécessité de la recherche scientifique. »
Autre problématique, celle des médias. « Ce qu’ils donnent à voir du travail de recherche est parfois éloigné de ce que le chercheur a dit. Ce dernier ne donne pas de solution générale alors que c’est ce qu’attendent les journalistes. Il y a un contraste entre le travail du chercheur et le rôle que l’on veut lui donner », souligne Fleur Laronze qui précise que dans les sciences humaines et sociales, les faits économiques, sociaux font partie de la recherche et leur conceptualisation ou leur analyse en est l’objet.
« Une mission de service public »
Cette tension entre politique, chercheur et citoyens mise en lumière par la crise était présente bien avant. « En danse, par exemple, il y a une discordance entre les acteurs politiques et le chercheur. Méconnaissant le champ de la recherche en danse ou celui de l’anthropologie, les acteurs politiques pensent « innover » en invitant les chercheurs à travailler sur des sujets… qu’ils connaissent déjà. Poursuivant un objectif propre, ils pensent « se servir » de la recherche pour justifier une position. Or, le rôle du chercheur, même lorsqu’il étudie une situation de crise ou de conflits, ne le conduit pas à prendre position. Mais à imposer son propre positionnement adossé au principe d’objectivité scientifique. »
La recherche peut apparaitre comme un champ replié sur lui-même qui ne favorise pas les interactions fructueuses alors que les collaborations réussies entre décideurs politiques et chercheurs en sciences humaines et sociales sont nombreuses, « par exemple la politique locale en matière de sport-santé. Un autre enjeu doit également être pris en compte : nous avons avant tout une mission de service public, de diffusion des savoirs scientifiques. Il nous faut aussi déterminer comment les chercheurs peuvent contribuer à la déconstruction de ces vagues d’informations qui semblent être correctes et que l’on voit déferler sur internet. »
Marion Riegert