« Temps de la nature - histoire du capital »

Événement passé
Colloque

Colloque organisé dans le cadre du projet USIAS "Histoire naturelle du capitalisme avancé", porté par Franck Fischbach et Eric Pineault

30 mars 2022
9h30 17h30
Salle Pasteur - Palais universitaire

La thèse selon laquelle les sociétés industrielles modernes se sont libérées de la dépendance à l'espace qui caractérisait les sociétés agraires a été développée pour la première fois par l'historien et théoricien de l'environnement allemand Rolf Peter Sieferle. L’objectif de ce projet est d'approfondir cette thèse et de la compléter par l'idée que ces mêmes sociétés modernes, libérées de la dépendance à l'espace, sont tombées dans une nouvelle dépendance : la dépendance au temps géologique. En effet, toutes les sociétés antérieures aux formations sociales capitalistes industrielles jouissaient d’un métabolisme limité et restreint par leur capacité à s'approprier les fruits de la productivité biologique. La subsistance et les surplus étaient médiés par l'espace et par les processus écologiques qui déterminaient la productivité biologique.

Dans les sociétés capitalistes contemporaines, la géologie - sous forme de combustibles fossiles et d'extraction massive de minéraux et de métaux par des machines elles-mêmes alimentées par des combustibles fossiles - sert de médiateur pour la production de toutes les marchandises. Sans la géologie, la force de travail serait incapable d'assurer le métabolisme social propre aux sociétés contemporaines. Nous nous sommes apparemment émancipés des limites de la productivité biologique et de l'écologie basées sur l'espace. Et pourtant, la médiation géologique du métabolisme des sociétés capitalistes avancées, qui a soutenu une croissance économique et une accumulation de surplus sans précédent, rencontre ses propres limites sous la forme du changement climatique. La question que nous posons est de savoir si les sociétés capitalistes avancées ne seraient pas tombées dans une nouvelle dépendance : en exploitant l'immense réserve de puissance accumulée que sont les combustibles fossiles pour accélérer leur croissance, ces sociétés se sont soumises à la lente irréversibilité du temps géologique qui a été accélérée par leurs propres activités.

L'objectif de ce projet est de contribuer à l'analyse de l'historicité propre aux sociétés capitalistes avancées, ainsi qu'à la compréhension des contradictions écologiques de leur développement. Bien que la science naturelle du réchauffement global et du changement climatique travaille avec le concept de temps géologique lent et comprenne que l'impact anthropique accélère ce temps, une enquête fondamentale – c’est-à-direphilosophique – portant sur la nature du temps géologique en tant que mode de subsomption du développement capitaliste n'a pas encore été entreprise. Et si « accélération » est devenu un mot clé pour comprendre la culture et la dynamique des sociétés capitalistes contemporaines (Rosa, 2005), y compris leur impact environnemental, une enquête fondamentale sur l'accélération de l’histoire naturelle par le capital reste à réaliser elle aussi. Enfin, l’enquête des professeurs Fischbach et Pineault veut contribuer aux débats au sein de la théorie marxienne contemporaine, en particulier concernant la priorité de l'espace sur le temps, mise en avant par des auteurs tels qu'Anderson et Jameson, de même qu’elle espère également contribuer à enrichir les concepts de « temps abstrait » et d'« énergie abstraite » développés par Postone (1994) et Lohmann (2014).


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