Barlaam et Josaphat dans l'histoire des religions

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Colloque

Colloque international organisé par Guillaume Ducoeur (Université de Strasbourg) et Michel Tardieu (Collège de France)

23 24 mai 2023
9h 17h
Salle de conférence - MISHA

L’histoire de Barlaam et Josaphat a joui d’une très grande diffusion dans toute l’Europe médiévale. Aussi, pour Pierre-Daniel Huet (1630-1721), l’un des premiers fondateurs du comparatisme religieux, « l’invention [du roman] en est due aux Orientaux ». Il reconnaissait déjà, dans cette oeuvre, alors attribuée à Jean de Damas, un Syrien, « l’esprit fabuleux de la Nation de l’Auteur, par le grand nombre de paraboles, de comparaisons et de similitudes qui y sont répandues ». Mais il fallut attendre, en Europe, le travail des bouddhologues – indianistes et sinologues –, pour y retrouver une origine bien plus levantine, qu’identifia, en 1859, Édouard Laboulaye (1811-1883) : « À ces collections citées partout qu’il me soit permis d’en ajouter une qui n’est pas moins ancienne et qu’on a moins remarquée, collection d’autant plus curieuse qu’elle garde visiblement la marque d’une influence bouddhique. Il existe un roman grec, qu’on croit du huitième siècle, et qui porte le titre de Barlaam et Josaphat. » Dès lors la question de transcriptions et versions intermédiaires se posa immédiatement. En 1917, Prosper Alfaric (1876-1955), premier professeur d’histoire des religions à la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, s’interrogeait encore sur ces possibles transmissions entre mondes indien et gréco-latin en ces termes : « Si on s’accorde à reconnaître que la vie grecque de saint Joasaph et de son maître Barlaam n’est qu’une adaptation de celle du Bouddha, on s’explique assez mal comment elle a pu se former. […] Un tel syncrétisme serait bien étrange et, pour mieux dire, inexplicable, si la vie des saints Barlaam et Joasaph était directement inspirée de la légende bouddhique. Entre l’une et l’autre, quelque oeuvre intermédiaire a dû se présenter ». Ses recherches l’amenèrent à envisager comme passeurs, les manichéens dont Mani (216-274), le fondateur de leur communauté, se réclamait le continuateur, entre autres, du Buddha, et devait donc, pour ce faire, avoir eu connaissance de la vie de ce sage indien.

Depuis, les études se sont amplifiées dans les différents champs académiques et, ces dernières décennies, nombres de colloques internationaux, d’importantes monographies et d’articles ont renouvelé nos connaissances narratologiques et historiques sur les différentes versions du roman barlaamien. Le colloque a, quant à lui, pour objectif de s’interroger sur les différentes productions de Barlaam et Josaphat, tant manuscrites, textuelles que figuratives, dans une perspective d’histoire comparée des religions et des doctrines. Il s’agira de restituer la portée des recensions dans leurs contextes religieux, théologiques, philosophiques et politiques de leur époque et d’en saisir les visées précises. Moins axé sur l’étude littéraire, le colloque cherchera à déterminer les particularités doctrinales de ces différentes versions afin d’apprécier au mieux le travail de réécriture de l’oeuvre, au cours de ses transmissions successives, dans des cultures différentes et, surtout, dans des milieux religieux disparates, souvent divergents, qui s’en sont emparés afin d’illustrer à travers une hagiographie leur propre système de pensée et d’ascétisme. Cette thématique d’histoire des religions de Barlaam et Josaphat et des oeuvres qui s’y rattachent à divers degrés – mais encore histoire de la réception, culte des reliques, lieux de pèlerinage, fondations monastiques – permettra alors, dans une approche comparatiste tant analogique que contrastive, de définir les différents éléments et leur potentielle adaptabilité qui offrirent ou non la possibilité à chacun des groupes religieux de rendre vivante leur propre doctrine.


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