Débat : Non, le cinéma ne va pas disparaître

Événement passé

La mort du cinéma a été tant de fois annoncée que c’est la résurgence périodique de cette question qui devrait nous intriguer.

6 janvier 2021

En 2020, l’ensemble des sociétés, et plus particulièrement celles des pays du Nord, a connu une situation historique sans précédent avec la pandémie de Covid-19, induisant des bouleversements pour une durée et avec des effets encore inconnus.

De très nombreux secteurs, dont ceux de la culture, et particulièrement celui du cinéma, ont été mis à l’arrêt, totalement ou en grande partie, et cela durant une période qui n’avait jamais été aussi longue sur une échelle nationale et encore moins planétaire.

Et comme à chaque crise, d’aucuns prédisent « la mort du cinéma ». Mais prédire cela, c’est ignorer sa nature fondamentale comme sa fonction sociale.

Une situation inédite

Depuis son apparition en 1895, jamais le cinéma n’avait vu toutes les salles d’un pays fermer en même temps sur une aussi longue période, y compris durant les deux Guerres Mondiales. Pour autant, sa mort a été tant de fois annoncée que c’est la résurgence périodique de cette question qui devrait nous intriguer. En effet, en France au moins, depuis l’incendie du bazar de la charité en 1897 qui devait à jamais faire disparaître ce divertissement forain, pour certains la « crise » du cinéma serait quasi permanente : l’effondrement économique de 1929, la popularisation de la radio dans les années trente, celle de la télévision à la fin des années cinquante, puis de la vidéo et du numérique trois décennies plus tard, sans compter Internet et la concurrence des plates-formes offrant des services de vidéo à la demande depuis quelques années.

Le boom des plates-formes

De fait, en 2020, avec le confinement, on ne peut que constater l’envolée des abonnements aux différentes plates-formes de Vidéos à la Demande (VàD) et plus marginalement ceux aux télévisions à péage (Canal+ a gagné 7,3 % d’abonnés dans les neuf premiers mois de 2020). Indéniablement, de très nombreux Français n’ont découvert (et surtout utilisé) la fonction « replay » sur leur téléviseur que récemment, comme l’ampleur du choix, de films et de séries des principaux opérateurs. Netflix domine largement le marché, et a connu depuis novembre 2019 une croissance inédite, passant de 38 % à près de la moitié des foyers utilisateurs. Amazon prime vidéo le suit loin derrière mais est passé de 15 à 20 % sur la même période, tandis qu’apparaissait en avril un troisième concurrent, Disney+, qui a immédiatement pris 15 % du marché, part demeurée stable depuis. La quinzaine d’autres concurrents se partagent le reste du marché, de nombreux utilisateurs étant par ailleurs pluriabonnés.

Ainsi, sur les dix premiers mois de 2020, le marché de la VàD est en croissance de 37,4 % à 1 218,9 M€. Sur la même période, fermetures et couvre-feu obligent, la fréquentation des salles a chuté de 62 %. La baisse est inédite, mais la messe serait-elle dite pour autant et le requiem devoir être entonné ?

Le cinéma, une sortie culturelle populaire

Le marché de la VàD a commencé sa croissance dès la fin de l’année 2017 pour doubler en trois ans en passant de 10 à 20 % d’utilisateurs, mais cela s’est fait d’abord au détriment de la location unitaire de vidéos qui a suivi l’exacte évolution inverse sur la même période. Il y a donc eu un effet de substitution entre différents supports sur le marché de la vidéo, et accessoirement cela s’est fait également au détriment de la télévision en ligne, dont la durée d’écoute a encore baissé en 2019 (-2.7 %), pour atteindre le plus bas niveau depuis dix ans, à 3h40 quotidiennes.

Or, parallèlement, la fréquentation des salles de cinéma a continué de croître durant toute l’année 2019 (+6 %), pour atteindre son deuxième plus haut niveau depuis 53 ans avec 213,3 millions d’entrées. Plus des deux tiers des Français (68,8 %) se sont rendus au moins une fois dans une salle l’an dernier, et cinq fois en moyenne. Le spectacle cinématographique demeure, et de loin, la sortie culturelle la plus populaire des Français. Et la Covid-19 n’y a rien changé, car même durant la période de couvre feu et avec une offre réduite films, ils étaient encore plus d’un million à s’y rendre chaque semaine durant tout cet été 2020. L’attachement à cette pratique est profond et durable.


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