Deliveroo, Uber… Travailleurs contre plateformes numériques, de quels droits ?

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Spécialisé en droit du travail, Matthieu Vicente, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Droit, religion, entreprise, s’intéresse dans le cadre de sa thèse aux droits collectifs des travailleurs des plateformes numériques. Un sujet qui marque régulièrement l’actualité à travers des grèves mais aussi des arrêts rendus par les différentes juridictions.

 

 

Considérés comme des travailleurs indépendants ou des partenaires, les collaborateurs des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo n’ont pas de contrat de travail mais des contrats de prestation de service.  « Les plateformes prétendent fournir des systèmes d’intermédiation alors que l’on soupçonne que ce sont des employeurs », explique Matthieu Vicente qui souligne que cette qualification compliquée a donné lieu à plus d’une vingtaine d’arrêts depuis 2016.

Prud’hommes, Cour de cassation… « J’ai pu remarquer que les juges de première instance et de cours d’appel, considèrent que les travailleurs sont indépendants. » Au contraire, la Cour de cassation dans son arrêt du 28 novembre 2018 concernant la société Take eat easy, opposant un livreur à une plateforme numérique, requalifie pour la première fois son contrat en contrat de travail.

Garantir l’indépendance des plateformes

Problème, ces recours sont isolés et ne permettent pas de faire changer le statut des travailleurs indépendants de manière générale. « Statuts que le Gouvernement et le Parlement souhaitent maintenir et sécuriser dans un souci de flexibilité pour ces plateformes qui, selon eux, permettent de créer de l’emploi. » Ainsi, dans son rapport de décembre 2020 intitulé : « Réguler les plateformes numériques de travail », Jean-Yves Frouin, ancien président de la Chambre sociale de la Cour de cassation, propose une solution intermédiaire pour améliorer la situation des travailleurs tout en garantissant leur indépendance : le recours à des coopératives d’activité et d’emploi.

Résultat, côté livreurs, des grèves sont régulièrement organisées depuis deux ans. « Elles ont été renforcées par l’arrivée de la crise sanitaire et le manque de protections face au virus », souligne le chercheur qui explique que les travailleurs des plateformes s’organisent en syndicats, ce qui donne lieu à une réflexion juridique sur le terrain de la qualification de ces organisations collectives.

En plus du droit français, Matthieu Vicente se penche également sur son versant anglais en tenant compte du droit de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce qui est intéressant, c’est de voir qu’en dépit de différences juridiques énormes dans chacun des systèmes, le comportement des plateformes reste le même : faire en sorte d’être en dehors du champ de la négociation collective. »

Marion Riegert

Université de Strasbourg
Université de Haute-Alsace
CNRS
Réseau national des Maisons des Sciences de l'Homme