Cette journée d’étude s’est tenue le 29 avril à la MISHA de l’Université de Strasbourg.
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Organisée par l’Université de Strasbourg, les laboratoires SAGE et URMIS, soutenue par l’ITI Makers, la Ville de Strasbourg, la Fondation France Libertés – Danielle Mitterrand et à la Fondation René Cassin, cette rencontre a réuni chercheur·es, ancien·nes élu·es en exil, acteurs municipaux européens, étudiant·es et membres de la société civile. Ensemble, nous avons engagé un dialogue à la fois analytique, politique et profondément humain sur des formes de démocratie inventées dans des contextes de violence et de dépossession, en croisant savoirs théoriques et pratiques de résistance.
Les apports analytiques ont montré comment la ville, même sous la violence et dans l’incertitude, se transforme en véritable laboratoire démocratique : les habitants investissent des espaces précaires et y déploient un urbanisme pragmatique, temporaire et adaptatif, inventant des « villes instantanées » qui font communauté à travers événements et usages partagés, loin des plans autoritaires. Ces marges expérimentent assemblées de quartier, services multilingues et formes d’autogestion. C’est sur ce terrain local que se forge un imaginaire renouvelé de la démocratie européenne : la municipalité devient objet politique, levier concret de solidarités transnationales et espace de légitimation. Nommer une rue, tenir une assemblée, conquérir temporairement des prérogatives symboliques : autant de gestes mineurs aux portées gigantesques, qui affirment contre l’illégalité d’État une dynamique décoloniale. Enfin, ces expériences tissent des liens intergénérationnels et mobilisent la mémoire : chaque élection, même éphémère, constitue un moment de transmission et d’émancipation où la participation s’apprend pas à pas, redessinant depuis le microcosme de la vie quotidienne la carte d’un avenir démocratique.
Les témoignages des anciens maires et mairesses kurdes ont été au cœur de la journée : ils et elles ont pris la parole non comme victimes, mais comme expert·es politiques, porteurs et porteuses d’un savoir ancré dans l’expérience. Ils et elles ont décrit la municipalité comme espace de décolonisation, lieu de réparation et d’accueil des déplacé·es, d’organisation de dialogues entre communautés et générations. À travers la mise en place d’assemblées populaires, de conseils municipaux pluriels (associations, représentants de quartiers, chambres professionnelles), et malgré le temps contraint et la violence d’État, ces élu·es ont su créer des activités fortes, des pratiques d’autogestion et des formes de solidarité. « Nous avions très peu de temps. Mais ce peu de temps, nous l’avons rempli d’activités fortes », témoigne l’un·e d’entre eux·elles. Ils et elles ont rappelé que la participation n’est pas une technique, mais un travail de longue haleine : rendre possibles les langages, affronter l’horreur, nommer l’indicible. Ils et elles ont également esquissé une pensée de la réparation : juridique (restauration des droits), politique (relance des projets interrompus) et temporelle (inscription dans le long terme, pour semer ailleurs ces pratiques).
Cette journée n’est qu’une première étape d’un projet plus vaste. De nombreux autres maires·es exilé·es n’ont pas pu être présent·es, et beaucoup reste à explorer. Pour ancrer ces échanges dans la durée, nous publions les actes de la journée : ils constitueront la base d’un travail collectif à venir, entre publications, ateliers et rencontres transnationales.