L'histoire des populations urbaines de 1870 à 1939 reste peu étudiée, alors que les villes ont connu de profondes transformations liées à l'industrialisation et à l'urbanisation. La démographie historique a jusqu'à présent peu étudié la démographie des grandes villes en raison de leur grand nombre d'habitants. Par ailleurs, les rares études démographiques réalisées sur les villes, portent soit sur des échantillons ou des quartiers, et non sur l'ensemble de la population, soit se fondent sur des données agrégées (résultats des recensements, par exemple) qui ne n’autorisent pas d'analyser finement les phénomènes démographiques. Les avancées récentes des méthodes de Deep Learning permettent aujourd'hui de s'affranchir des problèmes liés à la taille des populations urbaines. Ces méthodes peuvent reconnaître les informations contenues dans un document manuscrit scanné et les consigner dans une base de données tabulaire. Elles rendent ainsi possible l’exploitation de sources de données exhaustives et individuelles. Strasbourg est un cas particulièrement intéressant à étudier pour deux raisons. Premièrement, l’histoire démographique de la ville est peu connue entre 1871 et 1939 malgré tout l’intérêt historique de cette période. Les travaux qui y contribuent sont rares (Gérard 1998, Livet and Rapp 1982, A. Wahl 1973). Deuxièmement, Strasbourg possède une source de données rare pour les sciences de la population et largement inexploitée (le Fichier Domiciliaire). Cette source permet de réaliser des analyses détaillées et innovantes sur un large éventail de sujets, ce qui est rarement possible en démographie historique, même avec des sources considérées comme exceptionnelles (comme les registres de population scandinaves ou belges). J.-L. Pinol a mené trois études sur la population strasbourgeoise durant cette période à partir du Fichier domiciliaire. Il s’est intéressé aux mobilités dans la ville entre 1870 et 1940 à partir des trajectoires d’un petit échantillon de chefs de ménages (Hahn and Pinol 1995; Pinol 1996), et aux itinéraires résidentiels de 270 universitaires entre les deux guerres (Pinol 1994). Il n’a toutefois exploité qu’une infime partie de la richesse de cette source.
L’ambition de notre projet est de saisir l’exhaustivité du Fichier Domiciliaire, c’est-à-dire toutes les informations contenues dans le fichier, pour tous les individus, et de le consigner dans une base de données tabulaire. Notre projet de recherche propose ainsi d’appliquer les nouvelles méthodes de reconnaissance optique d’écriture manuscrite au Fichier Domiciliaire de Strasbourg afin de constituer une base de données riche et exhaustive. Son exploitation permettra d’étudier un large éventail de sujets relatifs à la population de Strasbourg sur le long terme (1871-1939) et d’apporter ainsi une contribution inédite à l’histoire des populations urbaines en Europe.