7èmes Rencontres droit et religion

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Colloque

"30 ans après 'Kokkinakis contre Grèce' : la construction prétorienne d'un droit européen des religions"

5 6 octobre 2023
Collège doctoral européen à Strasbourg

Il y a 30 ans, le 25 mai 1993, la Cour européenne des droits de l’homme rendait enfin son premier arrêt sur le fondement de l’article 9 de la Convention européenne garantissant la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il n’est pas anodin de rappeler que cet arrêt concernait la « prédication » des Témoins de Jéhovah, groupement considéré en France comme une « secte » selon le rapport parlementaire Gest-Guyard de 1995. L’arrêt Kokkinakis consacre la liberté de convaincre son prochain au moyen d’un enseignement, c’est-à-dire le prosélytisme, comme élément central de la liberté de manifester sa religion, sans quoi, comme le souligne la Cour, « le droit de changer de religion risquerait de rester lettre morte ». Mais il est aussi la pierre de fondement, à partir d’une définition magistrale de la liberté de religion, du développement d’une jurisprudence abondante de la Cour européenne qui permet aujourd’hui d’affirmer qu’il existe une liberté européenne de religion imposant des obligations tant négatives que positives aux États parties à la Convention. Tous les aspects de cette liberté complexe ont ainsi été éclairés par cette jurisprudence, qu’il s’agisse de la dimension individuelle ou collective de la liberté de religion, de ses diverses manifestations en public ou en privé. Tous les groupements religieux minoritaires ont pu bénéficier d’une interprétation dynamique et protectrice, ce qui devrait satisfaire toutes les obédiences puisqu’on est toujours la minorité de quelqu’un quelque part. L’Église de scientologie, les Témoins de Jéhovah, les mormons ou les évangélistes côtoient dans l’hémicycle strasbourgeois les musulmans, les catholiques, les protestants, des agnostiques et des athées.
Tous espèrent que le juge européen entendra leurs prières et leurs lamentations. C’est souvent le cas. Mais pas toujours car la liberté de religion n’a rien d’absolu. Quoi de plus normal que de célébrer cet anniversaire à Strasbourg, siège de la Cour européenne, et de le faire dans le cadre des Rencontre droits et religions qu’organise l’équipe droits et religions du laboratoire Droit, religion, entreprise et société de l’Université de Strasbourg, laboratoire qui a fait beaucoup pour la promotion d’un droit (laïque) des religions comme en témoigne la Revue du droit des religions créée en 2015 en son sein. L’arrêt Kokkinakis fait partie des grands arrêts de la Cour européenne, ses développements sont considérables et interrogent sur la place réservée à la religion dans nos sociétés contemporaines. L’occasion rêvée pour quelques spécialistes universitaires et acteurs de cette société de s’interroger sur la pertinence des apports de la Cour européenne à ce débat d’idées, d’idéaux et de valeurs souvent posé sur un mode plus conflictuel que consensuel.


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