"L’Archipel du Goulag | Cinquantenaire de Soljenitsyne" par Georges Nivat

Événement passé
Conférence
28 novembre 2023
18h 19h30
Bibliothèque des langues - le Portique

En Union Soviétique, une plaisanterie circulait sous le manteau, jouant sur le nom des deux principaux journaux du pays : « quelle est la différence entre la Pravda (Vérité) et les Izvestia (Nouvelles) ? – Très simple : la Pravda, ce ne sont pas des nouvelles, et les Izvestia, ce n’est pas la vérité ». Cette plaisanterie mettait le doigt sur le mal, peut-être originel, de la société soviétique : c’était une société du secret et du mensonge. Le mensonge masquait la dichotomie radicale entre les idéaux proclamés et la réalité vécue, et le secret (de Polichinelle !) visait à supprimer tout ce qui (ou tout ceux qui) risquait de fissurer la chape du mensonge. Celui-ci, tel un cancer, parti de la tête du régime, gangrénait peu à peu toute la société jusqu’à chacune de ses cellules, chacun des individus qui la composait.

On sait que c’est ce mal qui a fini, lorsqu’il ne fut plus possible de le cacher, par emporter la société soviétique : après la catastrophe de Tchernobyl notamment, la glasnost (transparence) était devenue inévitable. On connait la suite.

Près de 15 ans plus tôt, la parution de l’Archipel du Goulag à Paris (il ne paraitra en Russie qu’après la perestroika) fut un formidable coup de scalpel au cœur de cette tumeur, qui mit le mensonge à nu. Une opération chirurgicale qui tranchait, retranchait, le mensonge. En Russie bien sûr, où une nouvelle génération a commencé, peu à peu, à s’en sentir libérée. En Occident aussi, où tout un pan de l’Intelligentsia avait été aveuglé et a, assez brutalement, ouvert les yeux.

Cinquante ans plus tard, l’Union Soviétique n’est plus. Ses crimes appartiennent à l’histoire. L’Archipel semble avoir perdu de son actualité. Pourtant, à l’heure de la post-vérité, quand des communicants sans scrupule bâtissent toutes sortes de « réalités alternatives », en Russie mais pas seulement, cette parole de vérité sur la société, sur l’homme, sur sa nature, garde toute son acuité tranchante.

Porteur du projet : Tatiana Victoroff, MCF (HDR) en littérature comparée de l’université de Strasbourg, membre de l’UR 1337 Configurations Littéraires, membre de l’ITI Lethica

Une petite exposition de livres et d’objets permettra de mieux saisir l’importance de L’Archipel et du « phénomène Soljenitsyne » (titre du livre de référence de Georges Nivat) dans l’histoire politique et littéraire contemporaine.


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